Santé féminine et plantes ayurvédiques : vers une approche intégrative ?

 2 juin 2025

Par Sandrine Delpuech

 

Et si certaines plantes utilisées depuis des millénaires en Inde pouvaient aujourd’hui offrir des solutions concrètes aux troubles féminins courants, tels que le SOPK, l’endométriose ou les douleurs menstruelles ?

C’est précisément la question qu’explore une étude scientifique récente, en examinant les effets de plusieurs plantes ayurvédiques réputées - telles que la shatavari, le curcuma, l’ashwagandha ou le tulsi - sur la santé reproductive des femmes.

L'étude se penche sur les principaux troubles qui affectent la santé des femmes, en mettant l'accent sur les affections suivantes :

  • Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).
  • Les nausées et vomissements liés à la grossesse.
  • La dysménorrhée (douleurs menstruelles).
  • L'infertilité.
  • La contraception.
  • L'endométriose.

Entre potentiels thérapeutiques réels et limites méthodologiques des études disponibles, ce travail propose une lecture critique des données existantes. Une manière de mieux comprendre les ponts possibles entre la sagesse ancestrale de l’Ayurveda et les exigences de la recherche moderne.

Voici les points essentiels à retenir sur comment ces plantes ayurvédiques enrichissent l’accompagnement de la santé des femmes.

1. Shatavari (Asparagus racemosus)

La shatavari est une plante médicinale largement utilisée en Ayurveda pour soutenir la santé reproductive des femmes. Originaire d'Inde et de l'Himalaya, elle est réputée pour ses racines riches en saponines, flavonoïdes et autres composés bénéfiques, aux effets potentiels sur l'équilibre hormonal et la gestion du stress..

Applications possibles :

  1. Dysménorrhée : des études montrent que la shatavari aide à réduire l’intensité des contractions utérines, ce qui pourrait soulager les douleurs menstruelles.
  2. Fertilité et allaitement : la shatavari a été associée à une augmentation des niveaux de prolactine, une hormone essentielle pour la lactation. Certains essais suggèrent même des effets comparables à des traitements de fertilité courants.
  3. Ménopause : grâce à ses propriétés phytoestrogéniques, la shatavari s’avèrerait prometteuse pour atténuer les bouffées de chaleur, l'anxiété et l'insomnie.

2. Cardamome (Elettaria cardamomum)

La cardamome, une épice aromatique issue des graines de plantes de la famille des Zingiberaceae, est utilisée depuis des siècles dans les traditions culinaires et médicinales. Riche en composés bioactifs tels que les flavonoïdes et les huiles essentielles, elle présente des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires qui semblent avoir un intérêt pour la santé féminine.

Applications possibles :

  1. Nausées pendant la grossesse : une étude a montré que le pudding au cardamome et au gingembre réduisait les nausées et vomissements chez les femmes enceintes au premier trimestre (en infusion, cela doit être efficace aussi…). Une autre étude sur l’inhalation d’huile essentielle de cardamome pendant et après une césarienne a révélé une réduction significative des épisodes de nausées et de vomissements par rapport au placebo.
  2. Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : chez les femmes atteintes d'obésité et de SOPK, la cardamome pourrait aider à réguler des hormones et gènes liés à l'inflammation, l’obésité et le diabète.

3. Curcuma (Curcuma longa)

Le curcuma, extrait de la plante Curcuma longa, est utilisé en médecine traditionnelle depuis des siècles grâce à ses propriétés anti-inflammatoires, antioxydantes, antimicrobiennes et cicatrisantes, principalement grâce à son composé actif, la curcumine.
Il a été employé historiquement pour traiter divers troubles, dont les infections, l'arthrite, les maladies du foie et les irrégularités menstruelles.

Applications possibles :

  1. Endométriose : des études ont montré des résultats prometteurs sur l’endométriose en diminuant l’inflammation (réduction des marqueurs inflammatoires) et en réduisant la croissance des cellules endométriales.
  2. Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : le curcuma pourrait avoir des effets bénéfiques sur le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) associé avec la metformine.
  3. Dysménorrhée : des études ont révélé que le curcuma pourrait aider à réduire les douleurs menstruelles. Il agirait en synergie avec les anti-inflammatoires pour un effet encore plus important.

4. Tulsi (Ocimum tenuiflorum)

Le Tulsi, ou basilic sacré, est une herbe aromatique de la famille des Lamiacées, originaire du sous-continent indien, avec plus de 3000 ans d’histoire en médecine ayurvédique. Ses principaux composants incluent l'eugénol, le carvacrol et les flavonoïdes.
Connu pour ses propriétés antispasmodiques, carminatives et anti-inflammatoires, il est utilisé pour traiter divers problèmes digestifs et respiratoires et des recherches récentes ont exploré ses effets sur la santé reproductive féminine.

Applications possibles :

  1. Fertilité : l'eugénol, un composé actif du Tulsi, pourrait prolonger le cycle œstral et augmenter les niveaux d'œstrogènes et de progestérone, indiquant un possible effet anti-fertilité. Toutefois, l'extrait de Tulsi seul n’a pas montré d’impact significatif sur le cycle.
  2. Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : des études sur des rats suggèrent que l'extrait de Tulsi a inversé les changements hormonaux, les niveaux de glucose, et l'activité antioxydante liés au SOPK. Il a aussi réduit la formation de kystes et amélioré la santé ovarienne. Les effets seraient comparables à ceux du clomifène, utilisé pour induire l'ovulation dans le SOPK.

5. Gingembre (Zingiber officinale)

Le gingembre (Zingiber officinale) est reconnu pour ses propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, carminatives, et antiémétiques (action contre les nausées). Ses composés bioactifs, gingérols, shogaols, paradols, et zingerone, inhibent les espèces réactives de l'oxygène (ROS), essentielles dans les processus reproductifs féminins.

Applications possibles :

  1. Dysménorrhée : le gingembre s'avère efficace pour soulager les douleurs menstruelles, certaines études le comparant aux anti-inflammatoires classiques.
  2. Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : le gingembre pourrait contribuer à la gestion du SOPK en favorisant l’ovulation et en régulant les déséquilibres hormonaux, avec des effets similaires à ceux du clomifène citrate.
  3. Nausées pendant la grossesse : le gingembre offre une solution naturelle et sûre pour réduire les nausées chez les femmes enceintes.
  4. Fertilité : des études ont montré un effet bénéfique sur la folliculogenèse (formation des follicules) et l'implantation chez les rats, surtout à faibles doses. Il pourrait être un traitement naturel alternatif pour améliorer la fertilité avec peu d'effets secondaires.

6. Ashwagandha (Withania somnifera)

L'Ashwagandha (Withania somnifera), aussi appelée ginseng indien, est une plante adaptogène de la famille des Solanacées. Originaire des régions arides de l'Inde, elle est aujourd'hui cultivée en Asie du Sud, en Afrique et en Asie centrale. Elle est utilisée en médecine traditionnelle, pour ses effets bénéfiques sur la vitalité, la gestion du stress, la fonction cognitive, et le soutien du système immunitaire.

Elle est étudiée ici pour ses effets potentiels dans la santé reproductive des femmes, notamment dans la gestion des symptômes de la périménopause et la fonction sexuelle.

Applications :

  1. Périménopause : une étude a mise en évidence que l'ashwagandha pourrait réduire les symptômes de la périménopause, tels que les bouffées de chaleur, les troubles du sommeil et la sécheresse vaginale, comparativement à un placebo.
  2. Fonction sexuelle : des études ont montré que l'ashwagandha pourrait améliorer la fonction sexuelle féminine, en favorisant le désir, la lubrification et la satisfaction.
  3. Endométrite : l’ashwagandha, associée à l’ail, a montré un potentiel pour traiter l’endométrite chez les vaches, en renforçant l’immunité et pouvant ainsi offrir une alternative aux antibiotiques.

L’étude met ainsi en évidence les avantages potentiels des plantes ayurvédiques pour la santé reproductive, tout en soulignant les limites des études existantes, telles que des échantillons réduits, des méthodologies variables et un manque de contrôles rigoureux.  Bien que prometteuses, ces découvertes vont nécessiter des recherches supplémentaires pour confirmer leur efficacité, et être pleinement acceptées par le système conventionnel.

Une sagesse millénaire face aux exigences modernes

L’Ayurveda puise sa force dans des millénaires d’observation fine du vivant, mais aussi dans sa capacité à s’adapter aux enjeux contemporains. Son approche globale et individualisée offre des solutions naturelles et accessibles, profondément ancrées dans le bon sens.

Face aux limites de la médecine conventionnelle sur certains troubles féminins, des plantes comme la shatavari, le curcuma, le gingembre et l’ashwagandha démontrent un véritable potentiel thérapeutique. Elles ouvrent ainsi la voie à une approche plus intégrative et personnalisée, où tradition et science moderne se complètent naturellement.

De nombreuses initiatives prometteuses émergent déjà en France autour de cette complémentarité, visant à promouvoir un système de santé intégratif. Les personnes y bénéficient d’une prise en charge globale, tout en étant sensibilisées et encouragées à devenir actrices de leur propre santé.

Et si c’était cela, la santé de demain : une écoute croisée entre savoirs anciens et exigences modernes, au service de l’humain dans sa globalité.
 

© Fédération Française d'Ayurvéda 2024. Tous droits réservés.

Nous avons besoin de votre consentement pour charger les traductions

Nous utilisons un service tiers pour traduire le contenu du site web qui peut collecter des données sur votre activité. Veuillez consulter les détails dans la politique de confidentialité et accepter le service pour voir les traductions.